Jacques Soulillou
Esthétiques du détachement, 2013
Semiose éditions
Jacques Soulillou nous propose dans la collection Texte des éditions Semiose, un essai dense et complet sur l'esthétique du détachement.
Avec la modernité qui marque l'avènement de l'esthétique comme savoir autonome, on assiste à un phénomène de surenchère dans le détachement. Son expression la plus extrême (et de ce fait même la moins tenable) est la "forme sans ornement". Elle dessine l'aire d'un fantasme propre à l'Occident, qui contamine aussi bien la philosophie critique, le design ou l'architecture. Cette surenchère se double d'un procès en détachement qui affecte non plus la forme mais le sens en tant qu'il peut être opposé - sous certaines conditions qui font l'objet d'un examen qui concerne aussi bien les arts plastiques que la musique ou la littérature -, à la signification. Ce détachement entre d'un côté la signification et de l'autre le sens (aisthesis), trait essentiel de l'économie de l'oeuvre d'art moderne, est lui-même lié à l'avènement d'un certain nombre de techniques et de processus d'enregistrement de traces - notation musicale pour le son, photographie pour la représentation, imprimerie pour le texte, les uns pouvant ou non donner lieu à une interprétation qui est aussi bien une mise en espace.
Jacques Soulillou a fait partie de 1969 à 1990 du collectif Présence Panchounette avec Christian Baillet, Pierre Cocrelle, Didier Dumay, Michel Ferrière, Jean-Yves Gros, Frédéric Roux... Ce collectif d'artistes a tenté de semer une gaie zizanie au sein d'un monde de l'art confit dans le puritanisme : leur statut a toujours hésité entre celui de terroristes balourds ("Et Bing et Bang!") et de pitres roublards ("Vas-y, r'joue moi-z'en d'la trompette!"). Punk diesel, amateurs de contre-pieds et de crocs-en-jambe, ils tenteront de surnager dans un océan de contradictions, de malentendus et de paradoxes avant de finir en beauté en se sabordant au plus fort de leur succès.